L'abandon de la Loi Autonomie a suscité la déception quasi unanime des acteurs du secteur de l'accompagnement du grand âge. Une réaction notamment liée à la dimension symbolique d'un tel choix. Que souhaitez-vous leur dire ?
Brigitte Bourguignon : Je veux leur dire qu’aucun Gouvernement n’a été aussi ambitieux dans une réforme du grand âge et de l’autonomie. Le grand soir a été promis par beaucoup, souvent sans lendemain. Nous avons fait le choix de l’action concrète et rapide depuis un an. Nous avons répondu en priorité aux attentes du secteur, qui demandait, parfois depuis des années, des moyens conséquents, rapidement. Avec le PLFSS, nous accélérons encore la réforme globale de l’autonomie pour des résultats dès début 2022... L’effort supplémentaire de l’État pour l’autonomie des aînés et pour les professionnels du grand âge s’élève à plus de 400 millions d’euros de mesures nouvelles pour l’année à venir. Il sera de près de 1,3 milliard d’euros d’ici à 2025. C’est inédit dans un PLFSS, qui est un vecteur d’action puissant, et rapide.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette « nouvelle » stratégie gouvernementale, intégrée au PLFSS 2022 ?
La stratégie que le Gouvernement porte pour l’autonomie des aînés tire résolument les leçons de la crise sanitaire, qui a mis en lumière les failles et les limites de notre modèle d’accompagnement des personnes âgées. Ce que souhaite la majorité de nos concitoyens, c’est de pouvoir bien vieillir à domicile et ne plus connaitre l’EHPAD tel qu’existant aujourd’hui. Avec la réforme que je porte, nous allons répondre avec pragmatisme à leurs attentes, et permettre aux Français, dès 2022, de voir, dans leur quotidien, les effets visibles de nos politiques pour l’autonomie. Nous allons préparer l’avenir et anticiper la transition démographique qui se profile, en consolidant l’offre d’accompagnement du vieillissement à domicile et en poursuivant notre investissement pour transformer en profondeur le modèle des EHPAD.
Nous faisons donc le pari du domicile, en revalorisant depuis le 1er octobre les 210 000 salariés de la branche de l’aide à domicile de 13 % à 15 % en moyenne, grâce à l’avenant 43, mais aussi en créant un tarif plancher national de 22 euros par heure et en fusionnant, d’ici 5 ans, les structures, pour créer un interlocuteur unique « service autonomie ». Dans le même temps, la stratégie du Gouvernement repose sur la création de l’EHPAD de demain grâce au plan d’investissement du Ségur et de France Relance, avec une présence de soignants renforcée – médecin coordonnateur, infirmier en astreinte de nuit, équipes mobiles –, et une ouverture sur le territoire accrue grâce à l’évolution des missions des établissements.
Une grande partie de ces mesures entérine effectivement le virage domiciliaire annoncé. Pouvez-vous, par exemple, nous donner plus de détails sur le tarif plancher de l’APA, une avancée attendue de longue date ?
À partir du 1er janvier 2022, nous allons en effet instaurer, grâce au PLFSS, un tarif plancher national qui s’élèvera, partout en France, à 22 euros par heure d’intervention à domicile. Pour sa mise en place, l’État accompagnera les Départements à hauteur de 240 millions d’euros. Il compensera ainsi intégralement l’effort que représente ce passage à 22 euros par heure pour les collectivités et les familles, car nous la savons, des disparités dans le financement des structures d’aides à domicile subsistent aujourd’hui selon les territoires, et 7 départements sur dix fixent un tarif inférieur à 20,50 euros. Ces disparités sont inacceptables dans notre République, alors même que nous avons créé une cinquième branche de la Sécurité sociale pour l’autonomie qui repose sur un principe d’universalité et d’équité. Au-delà de mettre fin à cette iniquité territoriale, cette mesure permettra à certaines structures d’être davantage financées par des fonds publics et donc d’être plus viables économiquement. À terme, la création de ce tarif plancher national permettra d’ouvrir le dialogue social pour la revalorisation salariale des aides à domicile du privé.
Il est également question d’une nouvelle dotation qualité. Quelles en seront les modalités ?
Afin d’aller plus loin dans le renforcement des structures d’aide à domicile et d’améliorer la qualité des prestations proposées aux personnes âgées, nous allons établir une contractualisation entre les Départements et les services d’aide à domicile afin qu’ils perçoivent des financements supplémentaires. Ces derniers permettront de financer des actions d’accompagnement renforcé pour les aînés, comme des interventions de nuit dans des zones reculées, ou qui participent à lutter contre leur isolement. Ils permettront également de subventionner des initiatives visant à améliorer la qualité de vie au travail des professionnels, comme des temps d’échange, de supervision ou de coordination. Il s’agira de plusieurs euros en plus du tarif plancher. Nous co-construisons les modalités de cette dotation qualité complémentaire avec les Départements, les fédérations du domicile et les parlementaires. Au terme des négociations, je déposerai un amendement au nom du Gouvernement pour la faire figurer dans le PLFSS pour 2022.
Concernant les EHPAD, les annonces du recrutement de 10 000 ETP supplémentaires d'ici 5 ans, de la généralisation des infirmiers de nuit d'ici 2023, et d'un seuil minimal de temps de médecin coordonnateur, vont dans le sens du renforcement des moyens humains tant demandé. Néanmoins, nombre d'acteurs du secteur soulignent l'insuffisance de telles mesures. Qu'avez-vous à leur répondre ?
Dans le PLFSS pour 2022, nous mettons en effet près de 50 millions d’euros pour renforcer la présence de personnels soignants dans les EHPAD. Cela se traduira concrètement, dès l’année prochaine, par une présence minimale de deux jours par semaine d’un médecin coordonnateur dans tous les établissements, et par la généralisation d’ici 2023 d’une astreinte d’infirmier de nuit, qui concerne aujourd’hui 40 % des EHPAD. Cette présence accrue de soignants vise à soulager les équipes et à rassurer les résidents et leurs familles. Ces 10 000 embauches supplémentaires d’ici 5 ans, s’additionneront aux 10 000 embauches déjà effectives depuis 2017 dans ces établissements. Cela représente, pendant ce quinquennat, une hausse de 10 % des effectifs de professionnels soignants dans les EHPAD, ce qui est indispensable pour renforcer leur médicalisation.
J’entends aussi que les acteurs veulent davantage de recrutements. Ils sont en effet nécessaires, mais financer plus de postes sans pouvoir les pourvoir ne sert à rien. C’est pourquoi, depuis plus d’un an, nous agissons pour créer les conditions de l’attractivité des métiers avec un plan d’action national. Depuis 2020, avec le Ségur de la santé, nous avons revalorisé le salaire des personnels des EHPAD entre 160 et 183 euros nets supplémentaires par mois. Nous avons aussi réformé les diplômes de DEAS et de DEAES pour encourager le recours au stage et à l’apprentissage, et nous avons déjà investi 125 millions d’euros en 2021 pour doter les établissements de petits équipements du quotidien. Cette action globale pour les métiers participera à susciter des vocations, à mieux préparer les professionnels à leur métier, qui est parfois dur, et à les fidéliser, pour, à terme, continuer d’amplifier les recrutements.
Beaucoup évoquent également la question, non abordée, de la gouvernance…
Il y a un enjeu de simplification de la gouvernance des politiques de l’Autonomie, et la réforme que je mets en œuvre en donne la perspective, avec des moyens supplémentaires aux départements pour accélérer le virage domiciliaire attendu par les Français. C’est un choix fort, car je crois profondément en la responsabilité des départements, et leur capacité à réussir ce grand défi de la transition démographique. Je suis d’ailleurs en étroite relation avec le Président de l’Assemblée des Départements de France (ADF), François Sauvadet, et je veille à rencontrer chaque président de Département lors de mes nombreux déplacements dans les territoires. Je dialogue aussi utilement avec les maires et présidents d’agglomération, dont beaucoup ont saisi l’enjeu du vieillissement et se mobilisent.
Parallèlement, les ARS n’auront jamais eu autant de moyens juridiques, humains et financiers, pour conforter l’offre de soins en établissement et à domicile, et dialoguer avec les départements sur la stratégie à moyen terme. Car ce que souhaitent les acteurs de terrain, c’est de la co-construction, et c’est une vision partagée des enjeux de demain. Le PLFSS pour 2022 s’inscrit par ailleurs dans la continuité du PLFSS pour 2021 qui avait consacré le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’Autonomie (CNSA) dans le pilotage de la cinquième branche nouvellement créée, de la prévention de la perte d’autonomie et du développement de l’habitat inclusif, en appui des acteurs des territoires.
Les EHPAD seront amenés à remplir de nouvelles missions sur leurs territoires. Pouvez-vous nous les détailler ?
Le PLFSS pour 2022 comporte effectivement des mesures qui feront évoluer les missions des EHPAD, pour amplifier la transformation de leur modèle. L’année prochaine nous mettrons sur la table 20 millions d’euros, et 50 millions d’euros d’ici à 2025, pour permettre aux établissements de devenir des centres de ressources territoriaux et pour développer les « EHPAD hors les murs ». Ces établissements concentrent en effet en leur sein des moyens et une expertise gériatrique qu’il faut diffuser, pour en faire bénéficier les professionnels du domicile et les personnes âgées du territoire. Ces ressources peuvent être des formations, des partages de bonnes pratiques, la mise à disposition de plateaux techniques ou encore des animations et de l’hébergement temporaire.
En parallèle, 3 millions d’euros seront mobilisés d’ici à 2025 pour créer des tiers lieux dans les EHPAD, dans le cadre du plan d’investissement du Ségur et de France Relance. Ils permettront d’amener de la vie culturelle, associative et sportive au sein des établissements et d’en faire bénéficier des personnes de l’extérieur. Ces nouvelles missions assureront un meilleur décloisonnement entre l’EHPAD et le domicile, pour favoriser les synergies et l’ouverture des établissements sur leur territoire. C’est indispensable, pour éviter d’avoir à nouveau des structures isolées, comme pendant la crise.
Concernant justement le développement des expérimentations d’EHPAD « hors les murs », est-il question de les standardiser ou de conserver leurs spécificités territoriales ?
La réforme que je porte est très territorialisée, ce qui est également le cas du développement des expérimentations d’EHPAD « hors les murs ». Leur hétérogénéité sera préservée, dans le cadre permis par la loi et notamment par l’article 51, pour répondre au mieux aux besoins de chaque territoire. Vous avez remarqué la méthode que je porte : nous avons donné une instruction le vendredi 8 octobre dernier aux ARS pour bâtir un schéma territorial d’investissement répondant aux besoins du terrain, en cohérence avec les initiatives des acteurs.
Cette dernière concerne en effet la stratégie de mobilisation de l’enveloppe de 2,1 Mds € qui doit être consacrée à la rénovation et à la modernisation des établissements destinés à accueillir nos aînés. Quels sont les axes prioritaires de cette modernisation ?
Les axes prioritaires du plan d’investissement de 2,1 milliards d’euros pour les EHPAD sont la plus forte médicalisation, la plus grande ouverture sur l’extérieur et le meilleur respect de l’humain par la modernisation des lieux de vie. Parmi ces crédits, 600 millions d’euros seront dédiés à la numérisation accrue des établissements, notamment pour le déploiement du dossier usager informatisé (DUI), qui permettra à l’ensemble des professionnels de l’EHPAD, de la ville, de l’hôpital et du domicile de partager des informations, de manière sécurisée, sur la personne accompagnée. Notre stratégie d’investissement pluriannuel s’adaptera aux perspectives démographiques de chaque territoire.
Ainsi, par exemple, et comme le précise mon instruction commune avec la CNSA du 8 octobre, dans les territoires caractérisés par des difficultés de maintien à domicile, comme les zones rurales, l’accent sera mis sur le développement d’activités en EHPAD de type « centre de ressources ». L’EHPAD de demain favorisera ainsi le sentiment d’être chez soi grâce à des espaces de vie chaleureux, sera plus ouvert sur son territoire et proposera un accompagnement en soins renforcé pour les résidents. Enfin, car l’EHPAD n’est pas l’unique solution au grand âge, nous consacrons 155 millions d’euros aux créations et rénovations de nouveaux habitats intermédiaires, comme des habitats inclusifs ou des résidences autonomie.
En guise de conclusion, et pour faire le lien avec le thème de notre édition, « l'EHPAD revisité », pouvez-vous nous présenter votre propre vision de l'EHPAD de demain ?
Ma vision de l’EHPAD de demain se concrétisera dans tous les territoires d’ici 5 ans, pour en faire des lieux plus respectueux de l’humain, plus ouverts sur l’extérieur et plus médicalisés. L’EHPAD doit relever d’un choix raisonné et assumé, et ne doit pas être perçu comme une solution imposée, mais bien comme un chez soi qui protège la santé, respecte les droits et redonne de la vie jusqu’au bout. C’est déjà une réalité dans certains territoires. Par exemple, avec des crèches implantées au sein des établissements, comme à Rennes avec l’association Tom et Josette, qui permettent notamment de renforcer les solidarités entre générations. J’ai aussi vu, dans le Finistère, un bus itinérant qui propose des soins bucco-dentaires, de la luminothérapie dans le Pas-de-Calais ou encore un dispositif de réalité virtuelle en Corse amenant la culture dans les établissements. Ce sont toutes ces initiatives très concrètes que je souhaite voir fleurir dans toute la France.
Article publié dans le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici
Brigitte Bourguignon : Je veux leur dire qu’aucun Gouvernement n’a été aussi ambitieux dans une réforme du grand âge et de l’autonomie. Le grand soir a été promis par beaucoup, souvent sans lendemain. Nous avons fait le choix de l’action concrète et rapide depuis un an. Nous avons répondu en priorité aux attentes du secteur, qui demandait, parfois depuis des années, des moyens conséquents, rapidement. Avec le PLFSS, nous accélérons encore la réforme globale de l’autonomie pour des résultats dès début 2022... L’effort supplémentaire de l’État pour l’autonomie des aînés et pour les professionnels du grand âge s’élève à plus de 400 millions d’euros de mesures nouvelles pour l’année à venir. Il sera de près de 1,3 milliard d’euros d’ici à 2025. C’est inédit dans un PLFSS, qui est un vecteur d’action puissant, et rapide.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette « nouvelle » stratégie gouvernementale, intégrée au PLFSS 2022 ?
La stratégie que le Gouvernement porte pour l’autonomie des aînés tire résolument les leçons de la crise sanitaire, qui a mis en lumière les failles et les limites de notre modèle d’accompagnement des personnes âgées. Ce que souhaite la majorité de nos concitoyens, c’est de pouvoir bien vieillir à domicile et ne plus connaitre l’EHPAD tel qu’existant aujourd’hui. Avec la réforme que je porte, nous allons répondre avec pragmatisme à leurs attentes, et permettre aux Français, dès 2022, de voir, dans leur quotidien, les effets visibles de nos politiques pour l’autonomie. Nous allons préparer l’avenir et anticiper la transition démographique qui se profile, en consolidant l’offre d’accompagnement du vieillissement à domicile et en poursuivant notre investissement pour transformer en profondeur le modèle des EHPAD.
Nous faisons donc le pari du domicile, en revalorisant depuis le 1er octobre les 210 000 salariés de la branche de l’aide à domicile de 13 % à 15 % en moyenne, grâce à l’avenant 43, mais aussi en créant un tarif plancher national de 22 euros par heure et en fusionnant, d’ici 5 ans, les structures, pour créer un interlocuteur unique « service autonomie ». Dans le même temps, la stratégie du Gouvernement repose sur la création de l’EHPAD de demain grâce au plan d’investissement du Ségur et de France Relance, avec une présence de soignants renforcée – médecin coordonnateur, infirmier en astreinte de nuit, équipes mobiles –, et une ouverture sur le territoire accrue grâce à l’évolution des missions des établissements.
Une grande partie de ces mesures entérine effectivement le virage domiciliaire annoncé. Pouvez-vous, par exemple, nous donner plus de détails sur le tarif plancher de l’APA, une avancée attendue de longue date ?
À partir du 1er janvier 2022, nous allons en effet instaurer, grâce au PLFSS, un tarif plancher national qui s’élèvera, partout en France, à 22 euros par heure d’intervention à domicile. Pour sa mise en place, l’État accompagnera les Départements à hauteur de 240 millions d’euros. Il compensera ainsi intégralement l’effort que représente ce passage à 22 euros par heure pour les collectivités et les familles, car nous la savons, des disparités dans le financement des structures d’aides à domicile subsistent aujourd’hui selon les territoires, et 7 départements sur dix fixent un tarif inférieur à 20,50 euros. Ces disparités sont inacceptables dans notre République, alors même que nous avons créé une cinquième branche de la Sécurité sociale pour l’autonomie qui repose sur un principe d’universalité et d’équité. Au-delà de mettre fin à cette iniquité territoriale, cette mesure permettra à certaines structures d’être davantage financées par des fonds publics et donc d’être plus viables économiquement. À terme, la création de ce tarif plancher national permettra d’ouvrir le dialogue social pour la revalorisation salariale des aides à domicile du privé.
Il est également question d’une nouvelle dotation qualité. Quelles en seront les modalités ?
Afin d’aller plus loin dans le renforcement des structures d’aide à domicile et d’améliorer la qualité des prestations proposées aux personnes âgées, nous allons établir une contractualisation entre les Départements et les services d’aide à domicile afin qu’ils perçoivent des financements supplémentaires. Ces derniers permettront de financer des actions d’accompagnement renforcé pour les aînés, comme des interventions de nuit dans des zones reculées, ou qui participent à lutter contre leur isolement. Ils permettront également de subventionner des initiatives visant à améliorer la qualité de vie au travail des professionnels, comme des temps d’échange, de supervision ou de coordination. Il s’agira de plusieurs euros en plus du tarif plancher. Nous co-construisons les modalités de cette dotation qualité complémentaire avec les Départements, les fédérations du domicile et les parlementaires. Au terme des négociations, je déposerai un amendement au nom du Gouvernement pour la faire figurer dans le PLFSS pour 2022.
Concernant les EHPAD, les annonces du recrutement de 10 000 ETP supplémentaires d'ici 5 ans, de la généralisation des infirmiers de nuit d'ici 2023, et d'un seuil minimal de temps de médecin coordonnateur, vont dans le sens du renforcement des moyens humains tant demandé. Néanmoins, nombre d'acteurs du secteur soulignent l'insuffisance de telles mesures. Qu'avez-vous à leur répondre ?
Dans le PLFSS pour 2022, nous mettons en effet près de 50 millions d’euros pour renforcer la présence de personnels soignants dans les EHPAD. Cela se traduira concrètement, dès l’année prochaine, par une présence minimale de deux jours par semaine d’un médecin coordonnateur dans tous les établissements, et par la généralisation d’ici 2023 d’une astreinte d’infirmier de nuit, qui concerne aujourd’hui 40 % des EHPAD. Cette présence accrue de soignants vise à soulager les équipes et à rassurer les résidents et leurs familles. Ces 10 000 embauches supplémentaires d’ici 5 ans, s’additionneront aux 10 000 embauches déjà effectives depuis 2017 dans ces établissements. Cela représente, pendant ce quinquennat, une hausse de 10 % des effectifs de professionnels soignants dans les EHPAD, ce qui est indispensable pour renforcer leur médicalisation.
J’entends aussi que les acteurs veulent davantage de recrutements. Ils sont en effet nécessaires, mais financer plus de postes sans pouvoir les pourvoir ne sert à rien. C’est pourquoi, depuis plus d’un an, nous agissons pour créer les conditions de l’attractivité des métiers avec un plan d’action national. Depuis 2020, avec le Ségur de la santé, nous avons revalorisé le salaire des personnels des EHPAD entre 160 et 183 euros nets supplémentaires par mois. Nous avons aussi réformé les diplômes de DEAS et de DEAES pour encourager le recours au stage et à l’apprentissage, et nous avons déjà investi 125 millions d’euros en 2021 pour doter les établissements de petits équipements du quotidien. Cette action globale pour les métiers participera à susciter des vocations, à mieux préparer les professionnels à leur métier, qui est parfois dur, et à les fidéliser, pour, à terme, continuer d’amplifier les recrutements.
Beaucoup évoquent également la question, non abordée, de la gouvernance…
Il y a un enjeu de simplification de la gouvernance des politiques de l’Autonomie, et la réforme que je mets en œuvre en donne la perspective, avec des moyens supplémentaires aux départements pour accélérer le virage domiciliaire attendu par les Français. C’est un choix fort, car je crois profondément en la responsabilité des départements, et leur capacité à réussir ce grand défi de la transition démographique. Je suis d’ailleurs en étroite relation avec le Président de l’Assemblée des Départements de France (ADF), François Sauvadet, et je veille à rencontrer chaque président de Département lors de mes nombreux déplacements dans les territoires. Je dialogue aussi utilement avec les maires et présidents d’agglomération, dont beaucoup ont saisi l’enjeu du vieillissement et se mobilisent.
Parallèlement, les ARS n’auront jamais eu autant de moyens juridiques, humains et financiers, pour conforter l’offre de soins en établissement et à domicile, et dialoguer avec les départements sur la stratégie à moyen terme. Car ce que souhaitent les acteurs de terrain, c’est de la co-construction, et c’est une vision partagée des enjeux de demain. Le PLFSS pour 2022 s’inscrit par ailleurs dans la continuité du PLFSS pour 2021 qui avait consacré le rôle de la Caisse nationale de solidarité pour l’Autonomie (CNSA) dans le pilotage de la cinquième branche nouvellement créée, de la prévention de la perte d’autonomie et du développement de l’habitat inclusif, en appui des acteurs des territoires.
Les EHPAD seront amenés à remplir de nouvelles missions sur leurs territoires. Pouvez-vous nous les détailler ?
Le PLFSS pour 2022 comporte effectivement des mesures qui feront évoluer les missions des EHPAD, pour amplifier la transformation de leur modèle. L’année prochaine nous mettrons sur la table 20 millions d’euros, et 50 millions d’euros d’ici à 2025, pour permettre aux établissements de devenir des centres de ressources territoriaux et pour développer les « EHPAD hors les murs ». Ces établissements concentrent en effet en leur sein des moyens et une expertise gériatrique qu’il faut diffuser, pour en faire bénéficier les professionnels du domicile et les personnes âgées du territoire. Ces ressources peuvent être des formations, des partages de bonnes pratiques, la mise à disposition de plateaux techniques ou encore des animations et de l’hébergement temporaire.
En parallèle, 3 millions d’euros seront mobilisés d’ici à 2025 pour créer des tiers lieux dans les EHPAD, dans le cadre du plan d’investissement du Ségur et de France Relance. Ils permettront d’amener de la vie culturelle, associative et sportive au sein des établissements et d’en faire bénéficier des personnes de l’extérieur. Ces nouvelles missions assureront un meilleur décloisonnement entre l’EHPAD et le domicile, pour favoriser les synergies et l’ouverture des établissements sur leur territoire. C’est indispensable, pour éviter d’avoir à nouveau des structures isolées, comme pendant la crise.
Concernant justement le développement des expérimentations d’EHPAD « hors les murs », est-il question de les standardiser ou de conserver leurs spécificités territoriales ?
La réforme que je porte est très territorialisée, ce qui est également le cas du développement des expérimentations d’EHPAD « hors les murs ». Leur hétérogénéité sera préservée, dans le cadre permis par la loi et notamment par l’article 51, pour répondre au mieux aux besoins de chaque territoire. Vous avez remarqué la méthode que je porte : nous avons donné une instruction le vendredi 8 octobre dernier aux ARS pour bâtir un schéma territorial d’investissement répondant aux besoins du terrain, en cohérence avec les initiatives des acteurs.
Cette dernière concerne en effet la stratégie de mobilisation de l’enveloppe de 2,1 Mds € qui doit être consacrée à la rénovation et à la modernisation des établissements destinés à accueillir nos aînés. Quels sont les axes prioritaires de cette modernisation ?
Les axes prioritaires du plan d’investissement de 2,1 milliards d’euros pour les EHPAD sont la plus forte médicalisation, la plus grande ouverture sur l’extérieur et le meilleur respect de l’humain par la modernisation des lieux de vie. Parmi ces crédits, 600 millions d’euros seront dédiés à la numérisation accrue des établissements, notamment pour le déploiement du dossier usager informatisé (DUI), qui permettra à l’ensemble des professionnels de l’EHPAD, de la ville, de l’hôpital et du domicile de partager des informations, de manière sécurisée, sur la personne accompagnée. Notre stratégie d’investissement pluriannuel s’adaptera aux perspectives démographiques de chaque territoire.
Ainsi, par exemple, et comme le précise mon instruction commune avec la CNSA du 8 octobre, dans les territoires caractérisés par des difficultés de maintien à domicile, comme les zones rurales, l’accent sera mis sur le développement d’activités en EHPAD de type « centre de ressources ». L’EHPAD de demain favorisera ainsi le sentiment d’être chez soi grâce à des espaces de vie chaleureux, sera plus ouvert sur son territoire et proposera un accompagnement en soins renforcé pour les résidents. Enfin, car l’EHPAD n’est pas l’unique solution au grand âge, nous consacrons 155 millions d’euros aux créations et rénovations de nouveaux habitats intermédiaires, comme des habitats inclusifs ou des résidences autonomie.
En guise de conclusion, et pour faire le lien avec le thème de notre édition, « l'EHPAD revisité », pouvez-vous nous présenter votre propre vision de l'EHPAD de demain ?
Ma vision de l’EHPAD de demain se concrétisera dans tous les territoires d’ici 5 ans, pour en faire des lieux plus respectueux de l’humain, plus ouverts sur l’extérieur et plus médicalisés. L’EHPAD doit relever d’un choix raisonné et assumé, et ne doit pas être perçu comme une solution imposée, mais bien comme un chez soi qui protège la santé, respecte les droits et redonne de la vie jusqu’au bout. C’est déjà une réalité dans certains territoires. Par exemple, avec des crèches implantées au sein des établissements, comme à Rennes avec l’association Tom et Josette, qui permettent notamment de renforcer les solidarités entre générations. J’ai aussi vu, dans le Finistère, un bus itinérant qui propose des soins bucco-dentaires, de la luminothérapie dans le Pas-de-Calais ou encore un dispositif de réalité virtuelle en Corse amenant la culture dans les établissements. Ce sont toutes ces initiatives très concrètes que je souhaite voir fleurir dans toute la France.
Article publié dans le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici